authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books. 15La précarité de la prohibition de l’inceste est mise en évidence dans la scène où la princesse, après avoir appris les intentions de son père, va voir sa marraine, la fée des Lilas (Delphine Seyrig) dans sa demeure forestière, autre lieu où nature et culture, humain et animal, se mélangent et coexistent27. Peau d’âne fait référence à des figures mondaines du XVIIe siècle comme la princesse Pioche de la Vergne, allusion à la romancière Madame de Lafayette (qui était en réalité comtesse) ; à « la Clève », en référence à l’héroïne du célèbre roman de Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves ; à la marquise Marie de Rabutin Chantal ou Madame de Sévigné, romancière épistolaire renommée ; et à la comtesse d’Escarbagnasse, personnage qui donne son nom au titre d’une célèbre pièce de Molière. stream Afficher en entier cit., p. 69). 68 C’est Mary Elizabeth Storer qui, la première, a identifié cette « vogue du conte de fées » dans Un épisode littéraire à la fin du XVIIe siècle : la mode des contes de fées (1685-1700), Paris, Champion, 1928. 16 Rebecca J. Pulju, Women and Mass Consumer Society in Postwar France, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, p. 99. D'abord Amour, Amour, sur le thème de la recherche de l'amour puis Rêves secrets d'un prince et d'une princesse lorsque l’amour est trouvé. Mais c’est le reflet de la princesse, et non de la fée, que le miroir renvoie. » Ici, plusieurs lectures se présentent. 18 Gwénaëlle Le Gras, « Soft and Hard : Catherine Deneuve in 1970 », Studies in French Cinema, vol. Dans ses propres mémoires (Un monde à l’envers, 2004), Allégret décrit les incidents au cours desquels Montand a abusé d’elle et même tenté de la violer. » Elle passe alors une robe couleur lilas, se regarde à nouveau et affirme : « Oui, c’est mieux », en ajustant sa coiffure. De 1901 à 1950, le conte figure dans au moins trente-six recueils et il est réimprimé neuf fois individuellement. Comme l’affirme Rousseau, suivi plus tard par Sigmund Freud et Claude Lévi-Strauss, la prohibition de l’inceste marque l’accession de l’état de nature à celui de culture ou de l’état animal à l’état humain. On pourrait en dire autant du désir queer. Avec nonchalance, la fée des Lilas lui explique en chantant que les filles ne sauraient épouser leur père : c’est une question « de culture et de législature ». Seuls les animaux et les êtres humains antérieurs à la culture et dépourvus de morale peuvent se livrer librement à de telles pratiques sexuelles31. Elle avait également joué dans Baisers volés de François Truffaut (1968) et dans La Voie lactée de Luis Buñuel (1969). 86 Walter Strauss a analysé la manière dont Cocteau mêle certains aspects de Narcisse dans ses versions du mythe d’Orphée (voir W. Strauss, « Jean Cocteau : The Mask of Orpheus and Narcissus », Religiologiques, no 15, printemps 1997, http://www.religiologiques.uqam.ca, consulté le 3 mars 2013). Parmi tous les portraits de princesses à marier que lui ramenèrent ses messagers, un seul retint son attention : celui de sa propre fille. En 1929, Alberto Cavalcanti a réalisé une adaptation du « Petit Chaperon rouge » dans laquelle Jean Renoir est le loup, mais ce n’est qu’en 1970 que « Peau d’âne » allait revenir sur les écrans. En témoignent clairement les modifications apportées par Disney au « Blanche-Neige » des frères Grimm pour son premier long-métrage d’animation en 1937. J’ai écrit ailleurs que la transformation de la merde en or pouvait être considérée comme une manière de figurer l’abjectification et la purification des héroïnes soumises de Perrault52 ; en revanche, dans Peau d’âne, la même scène représentée à l’écran fait littéralement exploser l’ordre de la réalité tributaire des distinctions entre propre et sale, noble et médiocre, argent et fèces. Même sa transformation en Peau d’âne, la souillon, ne se fait pas sans la médiation d’un miroir : c’est devant une glace qu’elle déplore sa nouvelle apparence. Peau d'âne. 43Dans une certaine mesure, Demy contextualise le conte de Perrault en incorporant à son film des éléments empruntés à l’époque de la société de cour de Louis XIV, avec la vogue du conte de fées des années 1690, qui en marque la naissance comme courant littéraire68. Les laitières auront les joues roses. Malgré la présence de références visuelles et thématiques au Blanche-Neige de Disney et au Magicien d’Oz, les allusions à Cocteau sont les plus parlantes car elles peuvent être lues comme autant d’inscriptions dans Peau d’âne d’éléments de l’esthétisme gay ou camp qui sapent l’hétéronormativité apparente et troublante du conte de Perrault et des versions ultérieures. 7En 1781, une version en prose du conte est publiée et attribuée à Perrault. Le Gras cite également le magazine Look à propos de Deneuve (voir Gwénaëlle Le Gras, art. Chez Capellani, de même que dans la féerie, le roi pleure dès qu’une situation le contrarie, comme quand sa fille refuse un prétendant. Sur les aspects utopiques du conte, voir Anne Duggan, « Feminine Genealogy, Matriarchy, and Utopia in the Fairy Tale of Marie-Catherine d’Aulnoy », Neophililogus, vol. Tout au long de Peau d’âne, Demy réunit ces trois stratégies camp dans son recours à l’inceste comme trope des sexualités alternatives ; dans la récurrence des juxtapositions incongrues entre haut et bas, ancien et moderne, nature et culture, dont le but est de dénaturaliser les normes établies ; et dans la manière dont ses héroïnes, tels des dandys féminins, sont à la fois des œuvres d’art et des sujets désirants. Intéressé par le genre du conte de fées en général, Demy était tout particulièrement captivé par cette histoire d’inceste, thème récurrent dans d’autres de ses films, comme Parking, version du mythe d’Orphée dans laquelle Hadès (Jean Marais) est l’époux de sa nièce, Claude Perséphone (Marie-France Pisier), et Trois places pour le 26 où le personnage d’Yves Montand, incarné par lui-même, couche avec Marion, interprétée par Mathilda May, dont il ne sait pas qu’elle est sa fille4. Cette scène fait penser au film d’Albert Capellani dans lequel Peau d’âne se regarde dans l’eau d’un étang tandis qu’elle garde des moutons, ainsi qu’à l’Orphée de Cocteau où le personnage joué par Jean Marais regarde de manière semblable son reflet dans une grande flaque. 40 Steven Bruhm, Reflecting Narcissus : A Queer Aesthetic, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2001, p. 7. 5 Bernard Bastide a répertorié les adaptations de contes de Perrault par le cinéma français de 1897 à 1912 et relevé cinq versions chacun de « Cendrillon » et du « Petit Poucet », quatre versions du « Chat botté », trois versions chacun de « Barbe-bleue » et de « La Belle au bois dormant », mais une seule du « Petit Chaperon rouge », de « Riquet à la houpe », des « Fées » et de Peau d’âne » (voir B. Bastide, « Présence de Perrault dans le cinéma français des premiers temps [1897-1912] », dans Carole Aurouet [dir. du napolitain par Myriam Tanant, Paris, Phébus, coll. 20, no 2, 2005, p. 167. Le miroir joue un rôle capital dans la construction du soi comme spectacle, non seulement par sa fonction complice dans l’élaboration du soi en œuvre d’art, mais aussi par sa capacité à esthétiser les objets qui s’y reflètent. Les poèmes en question sont de la plume de Guillaume Apollinaire et de Jean Cocteau, dont l’« Ode à Picasso » mentionne des objets modernes, tels que le téléphone ou le bec de gaz, associés à des figures mythologiques comme Orphée, Calliope et Uranus : Écoutant ta guitare féeTes objets te suivent OrphéeJusqu’à la forme que tu veuxClio du zincCalliope téléphone les faits diversEt Uranie allume les becs de gazQui fardent les marronniers par-dessous. Il est ici possible de comprendre le sens « conservateur » donné par Demy au château bleu comme signifiant « primitif », c’est-à-dire « au tout premier stade26 » de la société comme de l’individu et, en particulier, de la princesse qui doit encore surmonter son complexe d’Électra. En réalité, il transforme ce conte classique qui le fascinait depuis sa jeunesse en un vecteur d’interrogation des formes hétéronormatives de sexualité, dans la lignée des écrivains et des cinéastes homosexuels, au premier rang desquels Jean Cocteau, qui se sont servi de l’inceste comme trope destiné à explorer d’autres formes de sexualité. GAY-GRAFFITI est un site informatif sur la culture LGBT. « Peau d’âne » a été réédité plus de soixante-dix fois de 1850 à 1900, dans des anthologies de contes de fées et, moins souvent, sous forme de récit individuel10. 57Non seulement elle est une œuvre d’art, mais Marie-Antoinette est créatrice et admiratrice de l’art. Plus tard, quand la fée prend pleinement conscience des charmes qu’exerce la princesse sur son père, sa marraine d’âge mûr dit que ses propres charmes s’épuisent comme une pile. <>>> Vous aimez votre père, je comprends. de l’allemand par Jacques Lacan, Revue française de psychanalyse, tome V, no 3, 1932 [paru pour la première fois en allemand en 1922], p. 399-400). 12, no 1, 1998, p. 69-88. du danois par Patricia MacAndrew et Per Avsum, Copenhague, Glydendal, 1986, p. 73). Thomas Inge note que Disney et ses collaborateurs ont ancré les personnages du film dans la culture américaine des années 1930 (voir T. Inge, art. 17, no 1, 2003, p. 71. C’est la princesse qui joue le rôle de prédateur ou de chasseur et tend le piège à sa proie. <>/XObject<>/ProcSet[/PDF/Text/ImageB/ImageC/ImageI] >>/Annots[ 11 0 R] /MediaBox[ 0 0 595.32 841.92] /Contents 4 0 R/Group<>/Tabs/S/StructParents 0>> 1, no 5, 1880, p. 415. 81 Pour sa part, Baudelaire considère la femme comme l’opposé du dandy : « La femme est le Contraire du Dandy. 23 Sur l’utilisation des cerfs dans la chambre de la princesse, voir ibid., p. 240. » Babuscio a répertorié quatre grandes caractéristiques dans les œuvres marquées par l’esthétique camp ou perçues comme telles : d’abord, l’ironie qui prend souvent la forme de l’incongruité ; deuxièmement, l’esthétisme ou l’accent mis « sur les surfaces, les textures et les images sensuelles […] non seulement parce qu’elles sont en cohérence avec l’intrigue, mais parce qu’elles sont fascinantes en elles-mêmes14 » ; en troisième lieu, la théâtralité, en particulier l’existence vue comme une pièce de théâtre et le spectacle de soi-même ; et, quatrièmement, l’humour, qui renvoie à l’ironie et mêle comédie et douleur afin de nous permettre « d’être confrontés à des questions “sérieuses” avec un détachement provisoire15 ». 64 Cité dans J.-P. Berthomé, op. ». Bon Entendeur: Influences. », Lettres françaises, 23 janvier 1970, n. p. 92 Glyn Davis qualifie les films cultes de Morrissey de « queer camp » (voir G. Davis, « Camp and Queer and the New Queer Director : Case Study Gregg Araki », dans Michele Aaron [dir. 31 Rousseau décrit ainsi les êtres humains antérieurs à la culture ou « sauvages » : « Il y avait des familles, mais il n’y avait point de nations ; il y avait des langues domestiques, mais il n’y avait point de langues populaires ; il y avait des mariages, mais il n’y avait point d’amour. 49Dans la scène suivante, Peau d’âne s’enfuit dans la forêt et, telle Narcisse, contemple son reflet à la surface d’un étang. Dans le même temps, l’esthétisme gay doute de l’existence d’une manière d’être naturelle et, par conséquent, la reconnaissance de l’artificialité de la réalité constitue une démarche honnête46 ». 11Je me concentrerai pour mon propos sur la notion de camp définie par Babuscio comme (1) subversion de la sexualité hétéronormative, (2) incongruité esthétique et (3) théâtralité ou représentation spectaculaire du soi. ), The Great Fairy-Tale Tradition. C’est l’auteur qui souligne. Deux ans plus tard, il fait allusion à l’inceste dans sa pièce Les Parents terribles » (I. Eynat-confino, op. 17 Dans L’Univers de Jacques Demy (Agnès Varda, 1995), édition DVD Ciné Tamaris, 2003. En 1969, Look tirait à plus de 7,5 millions d’exemplaires, mais disparut en 1971. 43 Analysant l’inceste de Trois places pour le 26 du point de vue très différent de la culture administrative, Vivian Labrie interprète l’inceste comme figure des relations au travail et, de manière intéressante, relie son analyse aux contes populaires ayant ce thème (voir V. Labrie, « Help ! 65 Je m’inspire ici de manière très générale du travail de Luce Irigaray. « Peau d’âne », version, Portail de ressources électroniques en sciences humaines et sociales. 83 La fée désire le roi et, par conséquent, agit en rivale de la princesse. 27Il est néanmoins possible de comprendre la légèreté avec laquelle Demy aborde l’inceste à la lumière de la « dénaturalisation du normal », pour reprendre l’expression de Richard Dyer. Rechercher : INFORMATION . […] La femme est naturelle, c’est à dire [sic] abominable » (ibid.). 11 Pour ces différentes versions de « Peau d’âne », voir « Tebaldo » [Thibaud] de Straparola et « The Bear » [L’Ourse] de Basile dans Jack Zipes (dir. Après que toutes les femmes du royaume, duchesses comme servantes, ont essayé la bague, c’est finalement Peau d’âne qui parvient à se la passer au doigt. Elles s’inscrivent dans la lignée du dandy à travers ce que Sima Godfrey appelle « la glorification délibérée du style et de l’élégance personnelle84 » par le dandy et, de façon apparentée, à travers la mise en scène de soi (pour soi-même autant que pour autrui). En bête des bois, Peau d’âne évoque le loup du « Petit Chaperon rouge », et c’est le prince, vêtu de rouge, qui en interprète le rôle titre. Comme je le montrerai, Demy donne une version camp de ce classique du conte en en faisant ressortir les éléments potentiellement subversifs présents dans des versions antérieures de ce récit et en y introduisant des caractéristiques de l’esthétisme gay, le cinéma de Jean Cocteau étant pour lui une source particulière d’inspiration. cit., p. 241). 50À la fois auxiliaire et glorification du soi comme spectacle, le miroir est aussi un lieu de conflit. 21 Demy affirme : « Je voulais différencier les deux châteaux : d’un côté, le sang royal, le sang bleu, conservateur ; et de l’autre cette espèce de prince un peu révolutionnaire et tout cet univers rouge » (cité dans J.-P. Berthomé, op. Farmer évoque ici l’investissement qu’effectue le sujet queer dans un texte ou un objet culturel, auquel il confère « des vertus presque talismaniques afin de réparer ou de rectifier un socius [ou lien social] dégradé89 ». 5Pour sa version du conte, Perrault s’est inspiré des écrivains italiens Giovanni Francesco Straparola, dont la Doralice s’enfuit en Angleterre dans un coffre afin d’échapper à son père incestueux, et Giambattista Basile qui fait se transformer sa Preziosa en ours pour qu’elle échappe au sien11. Marie-Antoinette est associée à la théâtralité quand elle incarne la Rosine du Barbier de Séville de Beaumarchais (1773) sur la scène du théâtre qu’elle a fait construire au Petit Trianon. Quelles que soient vos … Mais, contrairement à la version pour la scène dans laquelle princesse et fée sont châtiées pour leur coquetterie, Demy met en valeur leur talent artistique. La préoccupation évidente de Demy pour la question de l’inceste dans son cinéma indique que ce pourrait bien être le cas. 37Dans le conte écrit par Perrault et dans la version apocryphe de « Peau d’âne », la princesse prépare le gâteau, « vêtue d’un corps d’argent que vite elle laça/Pour dignement faire l’ouvrage58 ». Deux ans avant sa mort, Demy a fait de l’inceste le thème principal de son dernier longmétrage, Trois places pour le 2643. cit., p. 245). Affolée, la princesse court chercher conseil auprès de sa marraine, la fée des Lilas. <> Les larmes abîment et creusent le visage. 6En comparaison des versions de Straparola et de Basile, l’héroïne du conte de Perrault est plus passive et obéissante, et la culpabilité de son père est entièrement pardonnée à la fin de l’histoire. Cette scène consiste en un redoublement des contrastes, avec l’image de l’élégante princesse dans la cuisine (effectuant une tâche domestique), d’une part, et celle de la princesse raffinée face à son double domestique et quasi animal, de l’autre. 57 Autre référence intertextuelle possible : dans La Belle au bois dormant de Disney, le rouge (associé au prince) et le bleu (associé à Aurore) sont aussi présents. « La Pléiade » 1996, p. 970. Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search, Duggan, A. E. 2015. Puisqu’il ne s’agit pas complètement d’un espace défini et revendiqué par la « culture » (par opposition à la « nature »), le château bleu est un endroit où la prohibition de l’inceste qui consolide ces oppositions est, au mieux, précaire25. « Amour, Amour, Je t’aime tant » chantonnait Anne Germain sous les traits de Catherine Deneuve dans le film Peau d’âne de Jacques Demy. Pour un survol du contexte socioculturel de cette tendance littéraire des années 1690, au cours desquelles Perrault, ainsi que Marie-Catherine d’Aulnoy, Marie-Jeanne L’Héritier de Villandon et Henriette Julie de Murat ont signé des volumes de contes de fées, voir Jack Zipes, Beauties…, op.

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